Entre drame intime et enquête haletante, L'Éclipse entraîne les spectateurs au cœur d’un village de l’Aubrac bouleversé par la disparition mystérieuse d’une jeune femme lors d’une soirée d’éclipse solaire. Portée par un duo de gendarmes féminin et puissant, cette série en six épisodes – créée par Céline Lorne, Hélène Duchateau et Baptiste Filleul, et réalisée par Franck Brett – explore la manière dont un évènement tragique fissure une communauté rurale soudée, révélant rivalités familiales, tensions d’héritage et fractures sociales.
Huis clos à ciel ouvert, le récit s’appuie sur les paysages majestueux du Haut Plateau de l’Aubrac, qui amplifient le mystère et reflétent les tourments des personnages. Produite en 2024 par Carma Films pour France Télévisions et distribué par About Premium Content, L'Éclipse prolonge le sillage de La Forêt, en poursuivant l’ambition de dépayser et de renouveler le polar français.
Le producteur Christophe Carmona (Carma Films) et la distributrice Emmanuelle Guilbart (About Premium Content) reviennent sur la fabrication de la série, sur la portée universelle et intergénérationnelle du récit qui a voyagé bien au-delà des frontières, ainsi que sur le développement d’un futur projet appelé à en prolonger l’élan.
Unifrance : Comment est né le projet de L'Éclipse et comment s’est mise en place la collaboration entre France 2, Carma Films et About Premium Content ?
Christophe Carmona (Carma Films) : L'Éclipse est née d’une envie très simple : dépayser le polar, confronter un genre majoritairement urbain à un monde rural en pleine mutation. Et ce tout en explorant la ruralité dans ce qu’elle a d’actuel et de diversifié, entre néo-ruraux (souvent d’anciens citadins qui fantasment un retour à la terre) et agriculteurs traditionnels dont le rapport à la terre est bien différent.
La seconde ligne directrice était de composer un tableau transgénérationnel au sein d’une micro-société, et d’utiliser l’enquête comme un moyen d’explorer les liens familiaux, les héritages et les fractures intimes. C’était une manière de prolonger les fondamentaux que nous avions posés avec La Forêt, notre précédente production pour France Télévisions, mais en allant encore plus loin dans le social et l’intime.
France 2 a immédiatement adhéré à cette démarche, et le développement s’est donc naturellement engagé avec eux. Par ailleurs, nous avions une longue histoire de collaboration et de fidélité avec About Premium Content, ce qui rendait l’idée d’un partenariat évidente. C’est grâce au soutien et à la confiance des équipes de France Télévisions et d’About Premium Content (Emmanuelle Guilbart et Laurent Boissel) que nous avons pu poser les bases de cette aventure et donner à L’Éclipse l’ampleur qu’elle mérite.
L'Éclipse raconte la disparition d’une jeune fille un soir d’éclipse en Aveyron, et l’enquête menée par deux femmes gendarmes, elles-mêmes mères des enfants impliqués dans le drame. Aviez-vous la volonté de renouveler le polar français en plaçant au centre du récit deux héroïnes à la fois gendarmes, mères, amies, et ancrées dans un territoire rural ?
CC : Oui, c’était tout à fait notre idée. Le polar, pour nous, est un prétexte, un viatique pour sonder les relations humaines, particulièrement à l’intérieur des familles, qu’elles soient nucléaires ou électives. Ce qui nous importe, ce sont les secrets, les contradictions, les zones d’ombre des personnages : comment un événement tragique fissure un groupe qui semblait soudé.
Il s’agissait donc d’explorer une toute petite communauté : des gens qui vivent ensemble, qui partagent des racines, un passé commun, qui se connaissent intimement. Tout cela irrigue leurs rapports et rend le mystère du point de départ encore plus vibrant. Sur le terrain, dans les interrogatoires, ce ne sont jamais des inconnus face à des enquêteurs ; ce sont des membres d’une même communauté qui se retrouvent contraints de s’affronter. Et jusqu’au bout, nous avons choisi d’impliquer nos héroïnes elles-mêmes, dont les vies et les enfants se trouvent mêlés au drame.
Les paysages du Haut Plateau de l’Aubrac occupent une place essentielle dans la série, en accentuant le mystère et en lui donnant une atmosphère singulière. Quel(s) rôle(s) souhaitiez-vous faire jouer à ce décor ?
CC : Les paysages du Haut Plateau de l’Aubrac occupent une place centrale dans la série. C’est un territoire que je connais bien, puisque j’y ai en partie grandi, et je savais que personne n’y avait encore tourné. Je connaissais par cœur la puissance cinégénique incroyable de ces lieux. Il fallait en faire une arène, une scène, un véritable personnage à part entière.
Je voulais créer un huis clos à ciel ouvert, où la nature, parce qu’elle est à cet endroit à la fois majestueuse, naïve et inquiétante, allait catalyser la tension du récit et lui donner du souffle. Franck Brett et Magaly Sylvestre de Sacy ont su capter cette force avec une maîtrise exceptionnelle, transformant chaque plan en un écho des secrets et des émotions des personnages.
L'Éclipse explore des secrets de famille, des conflits d’intérêts et des liens complexes qui bouleversent les familles des protagonistes. Souhaitiez-vous également que la série interroge les relations intergénérationnelles et les enjeux de transmission ? Cela rend-il la série d’autant plus accessible pour les publics étrangers ?
CC : La question de l’héritage et de la transmission est au cœur de L’Éclipse. La série raconte ces tensions entre ceux qui veulent partir et ceux qui souhaitent reprendre les exploitations, entre les rebelles et les fils prodiges. Ces tensions familiales façonnent chaque relation, chaque choix.
Dans le monde agricole, le lien à la terre est vital, mais il est aussi profondément symbolique : il parle à tout le monde. Ce rapport intime et universel, touche à ce que chacun porte en lui : ses racines, ses origines, ce qu’il reçoit et ce qu’il transmet. C’est cette dimension qui rend la série à la fois ancrée dans le terroir français et compréhensible partout dans le monde.
La série a rencontré un large succès en France sur France 2, ainsi qu’en Belgique (RTBF) et en Suisse (RTS). Pourriez-vous revenir sur son parcours à l’international, ainsi que sur les éléments qui ont particulièrement séduit les partenaires étrangers ?
Emmanuelle Guilbart (About Premium Content) : Nous sommes ravis d’avoir pu vendre la série dans une quarantaine de territoires, avec des partenaires de diffusion comme Acorn TV (Amérique du nord, Australie, Nouvelle Zélande), TVP (Pologne), Walter Presents (UK), RTP (Portugal) ou Telecom Flow (Amérique latine).
L’arène forte de l’Aubrac déjà mentionnée, couplée à l’image universelle de l’éclipse comme point de départ de la série, a bien sûr aidé, tout comme cette enquête bien tissée menée par un duo de femmes policières, très bonnes collègues et très bonnes amies - ce qui est rare dans le genre - avec le charisme d’Anne Charrier et Claire Keim.
Quelles sont vos ambitions pour la suite ?
CC : Nous travaillons actuellement sur ce qui pourrait être vu comme le troisième volet d’un triptyque qui n’en est pas vraiment un : après La Forêt et L'Éclipse, nous développons La Source.
Nous avons la chance de bénéficier une nouvelle fois de la confiance des équipes de France Télévisions, et en particulier d’Anne Holmes, Stéphane Massard et Julia Girot, qui nous accompagnent dans cette nouvelle aventure.
Avec La Source, nous allons poursuivre l’exploration des rapports intergénérationnels, mais en les projetant dans un nouveau décor fort : les montagnes du Vercors. Un territoire magnifique mais fragilisé, frappé de plein fouet par le réchauffement climatique, où les équilibres économiques et sociaux se trouvent bouleversés. Ce qui nous intéresse, c’est le parallèle entre un dérèglement global, celui de la nature, et un dérèglement intime : celui des relations hommes-femmes, pères-filles. C’est cette double fracture que nous voulons mettre en lumière dans ce prochain projet.























