Sélectionnée en compétition au Festival international du film d'animation d'Annecy (section Films de TV), la série La Rivière à l'envers, réalisée par Paul Leluc, est adaptée du roman jeunesse à succès de Jean-Claude Mourlevat. Véritable fable initiatique portée par un univers fantastique, cette série d’animation promet d’enchanter petits et grands, tant par la profondeur de ses thématiques que par son esthétisme onirique.
Produite et distribuée par Dandelooo, en co-production avec Vivi Film, la série fait l’objet d’une interview d’Emmanuèle Petry (productrice exécutive chez Dandeloo), qui revient sur la genèse de ce projet au long cours, né d’un véritable coup de foudre littéraire, sur les choix artistiques qui l’ont façonné, ainsi que sur ses perspectives internationales.
Unifrance : La série d’animation La Rivière à l'envers, réalisée par Paul Leluc, est adaptée des romans jeunesse à succès de Jean-Claude Mourlevat. Pouvez-vous nous raconter comment est né ce projet d’adaptation, et quels ont été les principaux défis que vous avez rencontrés ?
Emmanuèle Petry : Ce projet fleuve est né, comme souvent, d’un coup de foudre amoureux. Il y a dix ans ! À la lecture du livre, Jean-Baptiste Wery – mon cher associé – et moi avons été transportés par l’histoire racontée par Jean-Claude Mourlevat. Bien que déjà adultes (très adulte, même, pour ma part !), nous avons été embarqués par la magie de cette quête humaniste, idéaliste, onirique.
Nous n’avons pas tout de suite su que nous l’adapterions, car la tache paraissait immense, mais l’idée a cheminé dans notre inconscient. Puis, grâce à la bienveillance et au soutien de Canal+, nous avons pu commencer le développement d’une série.
Le premier écueil fut de rester trop proches du roman, en centrant l’histoire sur la romance entre Tomek et Hanah, ce qui réduisait la quête initiatique à une balade un peu « plan-plan », sans véritable enjeu pour le héros principal. Il nous a fallu faire le deuil, avec douleur, de tout un travail d’écriture de deux ans… et tout recommencer à zero !
Guillaume Mautalent – un nom prédestiné – et Sébastien Oursel se sont retroussé les manches pour prendre le bâton de pèlerin et reconstruire le récit avec de nouveaux enjeux. Nous sommes très reconnaissants d’avoir croisé en chemin le talentueux réalisateur Paul Leluc, qui a su parfaitement s’intégrer au processus créatif.
Un autre défi de taille fut de créer un graphisme à la hauteur de notre imaginaire, puisque le roman n’était composé "que" de mots. L’alliance de Thomas Reteuna pour les décors et de Chloé Cruchaudet pour la création des personnages s’est avérée juste et complémentaire, sublimée ensuite par le travail de Manon Leray et Helena Loudjani, respectivement cheffe design et cheffe décor.
Bien sûr, le défi financier n’a pas été pas des moindres… De ce côté-là, nous ne sommes pas encore sortis du bois, malgré nos co-productions avec Vivi Films en Belgique et Sparkle Animation au Portugal, que nous remercions chaleureusement.
La série raconte la rencontre entre Tomek et Hannah, dont les quêtes se croisent, se succèdent et se complètent sur le chemin de la Rivière Qjar. Peut-on voir La Rivière à l'envers comme une fable initiatique, mêlant aventures, émotions et découvertes dans un univers fantastique ?
Jean-Claude raconte souvent qu’il a écrit ce roman à la mort de son père, au fil de nombreux trajets en train, comme s’il s’agissait d’une passation : un deuil à traverser entre l’enfance et la vie d’adulte.
La mort et le deuil sont des sujets souvent tabous dans les programmes jeunesse, tant ils effraient les parents. Mais les enfants, eux, savent. Ils préfèrent parler de ce que les effraie plutôt que de cacher leurs angoisses sous leur lit.
Cette série parle frontalement de la perte, de la chute, du manque, et du fait que l’on peut se relever et grandir en se faisant confiance.
L’esthétique de la série se distingue par un univers visuel onirique, avec des décors somptueux et une nature omniprésente. Quelles ont été les principales inspirations artistiques de cet imaginaire, et quel parti pris a guidé la direction artistique ?
La principale inspiration graphique vient de l’œuvre grandiose d’Eyvind Earle (1916-2000), qui a aussi influencé Walt Disney dans les années 50, si je ne me trompe pas, en analysant le côté rythmé et stylisé de la nature.
Par ailleurs, nous avons sciemment voulu créer une ambiguïté visuelle en référence à l’époque – sommes-nous vraiment au Moyen Age ? – et à la géographie – sommes-nous en Asie ? au Moyen-Orient ? en Amérique Latine ? Les personnages de Chloé ont cette force qui les rendent si singuliers.
La musique, composée par Pablo Pico, joue un rôle essentiel dans l’atmosphère de la série et accompagne avec force le récit. Comment le rôle de la musique a t-il été pensé dans la série, et comment s’est déroulé le travail autour de la bande originale ?
Pablo est un génie (il parait qu’il n’en naît qu’un par million !). Il apporte un côté "organique" à ses compositions. Dès le teaser, il a su sublimer l’image en lui insufflant de la magie.
Malgré les contraintes liées à la répartition des tâches, dues à la coproduction avec le Portugal, il nous est vite apparu évident que Pablo devait composer la musique de l’ensemble de la série.
La série aborde également des thèmes universels tels que le deuil, la quête de soi ou l’amitié, des sujets profonds portés avec sensibilité. À qui s’adresse La Rivière à l'envers ? Peut-on dire qu’elle parle autant aux enfants qu’aux adultes ?
Oui, on peut le dire. Jean-Claude dit humblement que ce livre est "passé à travers lui" et qu'il ne lui appartient plus. Alors peut-être, comme pour "Le Petit Prince", que certaines œuvres exceptionnelles viennent "d’ailleurs", et qu’elles deviennent ainsi des messages universels qui s’adressent à tous ?
La sélection de la série en compétition au Festival d’Annecy, dans la catégorie dédiée à l’audiovisuel, lui offre une belle visibilité à l’international. Quelles sont vos ambitions pour la série à l’étranger ? Quels marchés ou territoires ciblez-vous en priorité ?
Tous les territoires sont les bienvenus : les petits comme les grands mais les plus riches sont encore davantage welcome pour compléter nos "homes" (Belgique, Portugal, Canada, Estonie, Suisse et TV5MONDE)
Selon vous, quels sont les atouts majeurs de la série pour séduire les diffuseurs et les publics étrangers ? Parmi tous les éléments que nous avons évoqués, lesquels vous semblent les plus à même de résonner à l’international ?
Le suspens du récit feuilletonnant, l’originalité de la quête, la sincérité et la tendresse des personnages, l’universalité des émotions, la mignonitude du panda Podcol, le mystère du Marquis, la beauté des paysages, le sérénité du village des parfumeurs… la liste est longue !
Je pourrais encore citer la fascination que provoque la forêt de l’oubli, la sidération face à la mer des sentiments, la bonté d’Isham, la joie de vivre d’Ivar, ou encore l’appel au voyage.
Et j’ai une très belle nouvelle à partager : nous sommes en train de remonter la série sous forme de long-métrage, avec l’ajout de nouvelles scènes animées, toujours sous la supervision de Paul Leluc. Nous sommes très heureux, car ce remontage, réalisé par la talentueuse Clémence Carré, se rapproche davantage de l’histoire originale de Jean-Claude Mourlevat, en réintégrant notamment la romance entre Tomek et Hannah, quelque peu mise de côté dans la série. Ce long-métrage nous permettra, nous l’espèrons, de toucher encore plus de territoires avec cette fantastique histoire.
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