Propos
Ce gamin-là est un splendide documentaire, un film plein de présence. Celle des enfants et des adolescents autistes, celle de la pensée de Deligny qui ouvre le film avec quelques paroles qui vont nous guider auprès d'eux. Il parle de ces « gamins incurables, invisibles, insupportables » pour la norme, de ces lieux où on les cantonne, ces asiles psychiatriques, où « invivre » est programmé, où les fenêtres ne s'ouvrent pas.
Janmari est l'un deux. Lorsque Deligny le rencontre, il a 12 ans et n'a jamais prononcé un mot. Il se cogne la tête contre les murs, ne cesse de se balancer, ne s'intéresse qu'aux sources d'eau, fontaines et rivières. Le film tourne autour de Janmari, autiste infantile précoce, disent les spécialistes, « mon maître à penser » rétorque Deligny.
« Je l'ai pris avec nous pour chercher ce que pourrait être un langage non verbal (...) Ce gamin-là naît avec l'incapacité innée d'établir la relation à l'autre et souffrant d'un besoin impérieux d'immuable. »
L'expérience consiste à faire vivre un groupe de ces enfants et adolescents autistes au côté de « présences proches » qui ne s'occupent pas d'eux mais qui vont et viennent dans leurs tâches quotidiennes. Le réseau s'organise autour de ces actes qui répondent à ce besoin impérieux d'immuable qui définit l'autisme selon Deligny.
L'image, le cinéma, ont cette capacité à rendre vraiment immuable : le temps se fige. Ce temps que l'autiste veut ralentir, arrêter. Il y a une grande proximité entre ce qu'offre le cinéma et ce qu'attend l'autiste.
Ce gamin, là épouse un rythme cyclique, routinier, régulier et répétitif. Il y a une grande douceur, une sérénité qui s'en dégage. Pas d'histoire, pas de progression dramatique, juste des moments de vie, des instantanés. L'image est douce, peu contrastée. La bande sonore joue sur les répétitions, les échos.
Écrivain et pédagogue, Fernand Deligny influença nombre d'artistes et d'intellectuels franàçais par sa réflexion sur l'autisme. Le cinéaste Renaud Victor (1946-1991) fut complice pendant presque 20 ans de ses méditations sur le langage, l'image et la liberté.
Source : culture.univ-lille1.fr