Philippe de Broca distingue deux catégories d'humains : les farfelus, qu'il détaille avec humour et tendresse, et les fâcheux, décrits avec soin et une férocité dont certains traits rappellent Jean Vigo. Les uns et les autres sont admirablement photographiés dans le décor ravissant et exquis, insolite et symbolique à souhait du magasin d'antiquités. Les extérieures ne le cèdent en rien aux intérieurs pour la beauté et l'originalité des images.
Le rythme du film, le montage sont parfaits, tour à tour d'une rapidité extrême ou d'une lenteur voulue et pleine de charme. Au début du film, le spectateur a vraiment l'impression qu'il ne se passe rien, et rien ne se passe en effet, si ce n'est que l'on se trouve pris dans cette durée qui a la dimansion de la réalité, et conquis par cette écriture jamais encore auparavant déchiffrée.
Les dialogues sont très bons, incisifs, cyniques, spirituels et naturels d'un bout à l'autre.
Il faut féliciter Geneviève Cluny qui joue son rôle avec une ironie tendre, une charme qui nous conquièrent, et il faut aussi la féliciter de ce que l'idée même du film lui soit due, à elle qui fut "Dents blanches"... Victor est parfait, désopilant de naïveté, d'égoïsme, d'inconscience. François, l'ami machanceux, a la physionomie tourmentée d'un garçon qui se pose' des problèmes, est aussi excellent. (...)
Source : Répertoire Général des Films 1960.
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Les jeux de l’amour, avec Geneviève Cluny dans le rôle de Suzanne, inaugure la trilogie de ses films avec Jean-Pierre Cassel, jeune acteur débutant, qui interprète ici Victor. Personnage fantasque, il séduit davantage Suzanne que le voisin trop sérieux de celle-ci. Cette comédie emprunte au théâtre de Marivaux ou de Musset. Dans les Cahiers du Cinéma, Jean-Jacques Faure se plaît à relever l’enthousiasme de la grande presse pour ce film. « Une bouffée d’air dans le cinéma français ! » Si le film ne peut selon lui égaler une comédie musicale américaine, à la manière de Minnelli par exemple, il s’en inspire clairement tout en s’inscrivant dans la veine de la Commedia dell’arte, triste et gaie chère à Jean Renoir. Non-exempt de défauts, Les Jeux de l’amour suscitent le rire, mais parfois à leurs dépens. Pourtant, conclue le critique, « il fallait qu’un tel film fût fait. Il comble, à lui seul, le vide laissé dans la moyenne de notre cinéma par les Boisrond dont il ne faut rien attendre et les Allégret que l’on a trop attendus. Série B devrait vouloir dire bien. Sans plus. » De fait, ce premier film porte la marque de ce qui est peut-être l’un des principaux défauts des films de Philippe de Broca. À trop s’attacher au scénario, le réalisateur donne à voir un film trop écrit, dans lequel les raccords très précis enchaînent les gags de façon trop visible. La spontanéité en souffre et le film en est quelque peu alourdi.
Source : critikat.com